vendredi 2 mars 2018

Pouto Point, son phare et la plus longue plage routière de Nouvelle-Zélande

Dans l'île du Nord de la Nouvelle-Zélande, les côtes de la mer de Tasman sont entaillées de plusieurs havres protégés par des péninsules formant de longues excroissances de sable s'étalant sur des dizaines de kilomètres, des plages immenses considérées, lorsque la marée le permet, comme des extensions du réseau routier pour les véhicules 4x4 adaptés à ce type de terrain où s'applique alors les règles habituelles du code de la route.

Phare de pouto

La plus connue et la plus fréquentée de ces chaussées de sable, c'est Ninety Mile Beach à la pointe nord du Northland, accessible aux touristes grâce aux tours qui y sont organisés. Dans notre région d'Auckland, il n'en existe que deux, celle de Muriwai, plus d'une cinquantaine de kilomètres le long de la péninsule sud de Kaipara et celle de Karioitahi, un peu plus courte, sur la péninsule de Manukau Head*.


Ayant pris goût à ces espaces de liberté, j'avais repéré la péninsule de Pouto où se cache la plus longue des routes de sable du pays avec un record de 111 kilomètres que nous sommes partis découvrir à l'occasion du long week-end d'Auckland's day sachant que ce type d'excursion nécessite de mettre pas mal de kilomètres au compteur parce qu'il faut d'abord rejoindre la péninsule puis la parcourir dans les deux sens sur toute sa longueur.


Pour ce qui est de Pouto plus précisemment, il est nécessaire de contourner entièrement le havre de Kaipara (Kaipara Harbour), le plus grand de Nouvelle-Zélande, pour rejoindre Dargaville situé à 2h30 de route d'Auckland. Par ailleurs, l'organisation du planning doit impérativement tenir compte des horaires des marées, élément clé à connaitre de façon précise et indispensable avant de s'engager sur une plage routière quelle qu'elle soit (peu de points d'entrée/sortie).
Avec des marées prévues haute à 8h45 et basse à 16h30, nous avions bloqué une nuit à Dargaville pour commencer notre circuit le matin par la descente des 64 kilomètres de Pouto Road, la route/piste en dur qui traverse toute la péninsule pour rejoindre Pouto Point. Sur les premiers kilomètres, on profite de belles vues sur la rivière Wairoa et sur les rocs de Tokatoka et de Maungaraho dominant la rive opposée, vers l'est. Tant qu'à emprunter cette route du bout du monde, nous y avons ajouté un petit un crochet par Kelly's Bay, petite localité isolée, abritée à l'intérieur du havre de Kaipara où viennent aussi nicher des oiseaux ... mais bon, l'arrêt fut bref parce que l'objectif du jour c'était quand même la plage de Pouto et son phare.

Photo de Kelly's Bay havre de Kaipara Northland Nouvelle-Zélande
Kelly's Bay / Kaipara Harbour ©DM
Photo de Kelly's Bay havre de Kaipara Northland Nouvelle-Zélande
Kelly's Bay / Kaipara Harbour    ©DM

En arrivant à Pouto Point, une fois passées les quelques maisons établies sur les hauteurs tout au bout de la route, il suffit de prendre l'embranchement qui descend vers la plage où se trouvent toilettes et une série de panneaux d'informations dédiés aux Pouto Hidden Treasures (les secrets cachés de Pouto).

Photo de panneau Pouto Point Kaipara Northland Nouvelle-Zélande


Sur place un peu après 10h, la mer avait déjà commencé à descendre et des traces de voitures montraient que nous n'étions pas les premiers si bien que nous nous sommes engagés sur la plage en suivant ceux qui nous précédaient, des pêcheurs pour la plupart comme nous le constaterons un peu plus loin. Cet accès à la plage à Pouto Point est un passage facile et sans danger si bien qu'il n'y a pas trop de risques de s'enliser et qu'il n'y a ensuite plus qu'à suivre le rivage en partant d'abord vers l'ouest en longeant l'embouchure de Kaipara avant d'obliquer vers le nord au bord de la mer de Tasman. Pas mal de trous d'eau à contourner au départ lorsque la marée commence tout juste sa descente en évitant de remonter du côté du sable sec trop mou. Équipés de super pick-up truck, les pêcheurs du week-end étaient déjà installés au bord de l'eau pour faire tremper leurs lignes. Rarement isolés et toujours bien équipés, ils viennent ainsi passer la journée en famille et/ou en petit groupe.

Photo de plage Pouto Point Northland Nouvelle-Zélande
Photo de plage Pouto Point Northland Nouvelle-Zélande
Pouto Point, une plage à l'infini   ©SM
Photo de plage Pouto Point Northland Nouvelle-Zélande
Pouto, entrée nord du havre de Kaipara côté Northland - En face le bout de la péninsule sud, côté Auckland   ©SM
Photo de plage Pouto Point Northland Nouvelle-Zélande
Attention, trous d'eau ...  ©DM
Photo de plage Pouto Point Northland Nouvelle-Zélande

Après les premiers pêcheurs, on découvre rapidement le phare de Pouto positionné sur un roc de grès dominant d'immenses dunes situées à huit kilomètres des habitations les plus proches. Ce phare de Kaipara North Head est un exemple rare de phare construit en bois subsistant encore en Nouvelle-Zélande. Édifié en 1883-1884, il avait pour mission de guider les navires à l'entrée de Kaipara, particulièrement traitre du fait de barres de sables instables. Situé entre les régions du Northland et d'Auckland, sur la côte ouest de l'île du Nord, Kaipara était à cette époque le centre du transit des bois de kauris dont l'exploitation atteignit son apogée à la fin du 19ème et au début du 20ème lorsque ces arbres utilisés pour la construction et l'exportation poussaient encore en abondance.

Photo du phare de pouto Northland Nouvelle-Zélande

 À l'origine, le phare faisait partie d'un complexe plus important comprenant les résidences des familles de deux gardiens assurant une présence permanente, une station de signalisation et des bâtiments auxiliaires. Le phare d'origine mesurait 13,4 mètres et sa tour hexagonale s'étageait sur trois niveaux, entre fondations en béton et lanterne. À la différence d'un grand nombre de phares néo-zélandais préfabriqués et importés de Grande Bretagne, la construction de Kaipara Norht Head se fit avec des matériaux locaux : les murs intérieurs et extérieurs étaient faits de planches de kauris alors que des briques de basalte extraites du Mont Eden à Auckland assuraient la solidité du noyau pour offrir une structure capable de résister aux vents extrêmes. La conception est attribuée à John Blackett, un ingénieur associé à l'histoire du 19ème siècle, sans doute assisté du Capitaine Robert Johnson, connu pour avoir échaffaudé le premier plan national de couverture en phares, à l'origine d'un vaste programme de construction lancé par le gouvernement colonial entre 1860 et 1880. Le recours à des structures de bois permettait de mener les travaux à moindres coûts et le phare de Kaipara North Head fut le dernier des phares côtiers érigés pendant cette période.

Vue sur la plage et les voitures en contrebas du phare de Pouto donnant une idée de l'échelle ... Une bonne grimpette !   ©DM
La lanterne avait été importée d'Angleterre et mise en service en décembre 1884 et si l'intérieur du bâtiment servait surtout d'espace de stockage, des trappes permettaient aux poids du mécanisme de s'y déployer. Les jours de bonne visibilité, le rayon portait à 37 kilomètres mais le passage à l'entrée de Kaipara n'en restait pas moins traitre et pendant les premiers mois d'opérations, les gardiens assurèrent le rôle de sauveteurs à trois reprises pour l'Anabell, le Mary Annison et le Mathieu contribuant au surnom de "côte des épaves" donné à la région*.

Photo du phare de Pouto Northland Nouvelle-Zélande

Les conditions extrêmes mirent la station à rudes épreuves, les mouvements des dunes et l'érosion se révélant rapidement problématiques et amenant finalement les gardiens et leurs familles à se relocaliser à Pouto Point au début des années 1900 en entrainant le recrutement d'un gardien supplémentaire permettant d'assurer une présence permanente à la station, par rotation. À l'époque, la plupart des bâtiments annexes avaient déjà disparus sous les assaults du vent et/ou avaient dûs être délocalisés.
Ensuite automatisé (fonctionnement au gaz), le phare de Kaipara fût éteint au moment de la seconde guerre mondiale. Sa lanterne originale fut enlevée en 1944 pour être déplacée au Cape Saunders (sud-est de l'île du Sud / vers Dunedin) où elle est restée alors qu'une lanterne plus petite, prise au Cape Foulwind (nord-ouest de l'île du Sud, vers Westport) la remplaça. Ironiquement, le phare fut rallumé en novembre 1947 à la date marquant la fermeture officielle de Kaipara comme port d'entrée néo-zélandais, même si la navigation locale y reste autorisée. Finalement laissé à l'abandon, le phare fut définitivement décommissionné en 1955-1956.

Vue depuis la plateforme du phare de Pouto (vers l'ouest)   ©DM

Avec le support de la communauté de Pouto, c'est une association de défense du patrimoine formée dans les années 1970 qui lança finalement la restauration du phare placé alors sous l'égide du New Zealand Historic Places Trust qui l'intégra au patrimoine des propriétés historiques. Bien que très isolé, le phare est un objectif d'excursion relativement populaire qui attire plusieurs millers de touristes chaque année (35'000 selon des chiffres de la fin des années 1990). En plus de sa valeur architecturale, historique et culturelle, ce phare rappelle par sa présence le rôle essentiel joué par le transport maritime dans le développement sociaux-économique de la Nouvelle-Zélande.
Le phare est fermé et ne se visite pas mais il faut absolument faire la grimpette pour le voir de plus près et embrasser les vues spectaculaires qu'il domine. Les dunes alentours servent de terrain de jeu aux 4x4, quads et motos qui s'en donnent à coeur joie et sans restriction (enfants à bord et règles de sécurité parfois limites !), certains préférant d'ailleurs monter jusqu'au phare de cette façon plutôt qu'en marchant ... un sport visiblement admis dans ces dunes du Northland alors qu'il est strictement interdit pour préserver les dunes dans la région d'Auckland qui lui fait face.

Quads en pleine ascension de la dune du phare de Pouto   ©DM

Ensuite c'est roues libres pendant des kilomètres et des kilomètres de plage sur des espaces peu fréquentés où s'installe parfois un pêcheur et où l'on croise de temps en temps une voiture ou une moto. Les paysages évoluent et changent, on passe des zones de dunes plus ou moins hautes, plus ou moins larges, quelques ruisseaux, des falaises de lignite sans échappatoire où il vaut sans doute mieux éviter de se faire coincer par la marée sachant qu'il y a très peu d'accès intermédiaires à la plage [Glinks Gully et Mahuta Gap sont les seuls points référencés entre Pouto Point et Baylys Beach, la plage la plus proche de Dargaville)]. La lumière joue et évolue aussi et lorsque la chaleur devient trop intense elle recouvre l'horizon d'un voile de brume.

La mer de Tasman, la plage, des traces de roues, des dunes ...
... des sensations de désert et une largeur de plage immense à la pointe sud-ouest de la péninsule ...
Pour le GPS, on roule carrément dans la mer de Tasman en remontant vers le nord par la plage !   ©DM
 ... pour la sortie, continuer tout droit (ou pas) vers le nord sur des dizaines et des dizaines de kilomètres ...
Première sortie : Glink's Gully    ©DM
Un peu de brume de chaleur, des dunes comme des falaises et des largeurs de plages qui se réduisent

On ressent surtout ce sentiment incroyable d'immensité et de liberté, l'impression d'être seuls au monde en profitant de la chance prodigieuse d'être là entre ciel, mer, et plage. On se repait du silence et de la beauté toute simple de cette nature à l'état brut qui nous nourrit d'une plénitude indescriptible et nous remplit d'humilité.
Jusqu'à Baylys beach, la plage est comme une large autoroute toute lisse mais au delà, elle est plus encombrée, toujours praticable certes, mais avec plus d'obstacles, ruisseaux, rochers et cailloux ainsi que des bandes de passage parfois assez étroites, même à marée basse.

... pas toujours très large et des rochers à éviter...
... pour slalomer ...
... une petite chute d'eau et un ruisseau à enjamber.

À Omamari, la plage n'est plus praticable du fait des rochers et falaises et la sortie trop difficile pour notre véhicule avec du sable sec dans lequel on s'enlise un peu (ça encore, ça se gère) mais qui cache surtout de gros rochers dangereux pour la voiture qui n'est pas suffisemment surrélevée si bien que nous avons préféré rebrousser chemin pour retourner jusqu'à Baylys beach où la sortie est bien plus facile (passage d'une voie longeant un ruisseau). 

Notre carosse des sables !
Sortie à Baylys beach et ses dunes dont les hauteurs ressemblent à des remparts
Voiture mal adaptée ... Attention à l'enlisement, on ne trouve pas toujours des âmes charitables !

Une expérience unique à chaque fois et qui restera sans doute toujours une image forte attachée à la Nouvelle-Zélande, inégalable !

Baylys beach - Notre fidèle monture au coucher de soleil sur la mer de Tasman (♪♫ I'm a poor, lonesome cowboy !♫♪)
 
Notes :
Je n'ai pas trouvé de site qui recense toutes les plages routières de Nouvelle-Zélande (mais il existe des clubs 4WD) alors pour les dénicher à l'avance il faut se débrouiller en faisant des recherches et des recoupements sur Internet. Sur le terrain, le hasard fait parfois bien les choses puisqu'il nous a déjà permis de tomber sur certaines de ces plages.  
* Dans la région d'Auckland, les plages de Muriwai et Karioitahi sont les seules ouvertes à la circulation; elles nécessitent l'obtention préalable d'un permis gratuit, renouvelable annuellement, à demander sur le site du Auckland Council. Il s'obtient en trois minutes car il suffit de remplir un formulaire en ligne avec des informations personnelles de base, les informations du véhicule, la raison de la demande et le choix de la plage (un permis pour chaque plage) pour une délivrance immédiate. (ICI)
* Le musée de Dargaville est un bon endroit pour en savoir plus sur l'histoire de la région marquée par de nombreux naufrages. On recense environ 150 épaves gisant à l'entrée de Kaipara dans une zone maritime surnommée "the Graveyard" (le cimetière). 

Carte extraite de la brochure Pouto Hidden Treasures du Department of Conservation

Plus d'infos :
Brochure Pouto Hidden Treasures - Department of Conservation (format pdf) ICI
The shipwrecks of Pouto Point - Tourism Kauri Coast ICI
Kaipara North Head Lighthouse - Heritage New Zealand ICI
Pouto point - NZ Topo maps ICI
Pouto Point tides - Metservices ICI
Règles de conduites sur plage - Auckland Council  ICI

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