lundi 2 octobre 2017

Touche pas à mon mouton !

Au pays du mouton, un débat faisait rage ces derniers jours sur les ondes radiophoniques après que SAFE (Save Animals From Exploitation), l'association de défense des animaux, ait apporté son soutien à la campagne américaine PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) s'attaquant à la filière laine qui ne serait pas éthique et cruelle envers les ovins. Avec le support d'acteurs hollywoodiens emblématiques et de slogans rappelant des campagnes antérieures contre la fourrure, ce mouvement a en effet lancé une opération de boycott de la laine soutenue par des messages tels que "la cruauté ne me va pas (Joaquin Phoenix)"*  ...


... ou encore le classique "mieux vaut rester nu plutôt que porter de la laine (Alicia Silverstone)".


La Nouvelle-Zélande était donc en émoi avec de la consternation du côté de l'association des éleveurs parce que le mouton est tout de même un symbole national sur lequel une bonne partie de l'économie s'est construite.

Côté détracteurs, on dénonce des pratiques "systématiques et cruelles" avec par exemple des éleveurs de Queenstown qui auraient récemment tondus leurs moutons pour les "renvoyer dans le froid sans leur laine sur le dos". Au moment de la tonte, les pauvres bêtes seraient en outre "manipulées sans ménagement et coincées dans des positions inconfortables, du stress qui malgré le professionnalisme et la rapidité des gestes s'accompagne souvent d'entailles sur leur peau ... un véritable choc psychologique et thermique." Bref, "même si les signes de stress ne sont pas visibles - parce que l'évolution naturelle les en prévient pour les protéger des prédateurs - des recherches montreraient des montées hormonales attestant de l'inconfort des bêtes pendant qu'on les rase".
Plus que la tonte, c'est le "mulesling" et un ensemble de pratiques que dénonce l'association PETA. Mais le mulesling est employé surtout en Australie pour retirer des bouts de peau sur l'arrière train des animaux afin d'éviter que les excréments s'y accrochent avec dans leur sillage, les mouches et les parasites. Cette pratique est interdite en Nouvelle-Zélande qui préfère, pour les même raisons, celle du "lamb docking", le raccourcissement de la queue. PETA considère qu'elle pose aussi problème si elle n'est pas pratiquée avec l'emploi d'analgésiques. À la liste des doléances s'ajoutent encore "la castration", "la peur infligée par les chiens de troupeaux qui menacent les ovins" ou "le froid imposé par l'agnelage en hiver" ...

Le mouton, partie intégrante du paysage néo-zélandais   ©SM
Autant de griefs qui paraissent absurdes aux éleveurs néo-zélandais qui se veulent des spécialistes soucieux de leurs bêtes et non des brutes. Après tout le mouton c'est leur capital et leur gagne pain. Et pour ce qui est des accusations de maltraitance, ils justifient toutes les pratiques :

- la tonte peut être comparée à une simple "coupe de cheveux". La laine pousse naturellement sur le dos des animaux où elle finit par peser si bien que ne pas y toucher exposerait au contraire les bêtes à des risques sanitaires, notamment l'été quand les mouches et les parasites viennent s'y nicher,
- quant au choc thermique de la tonte, les ciseaux et les pratiques sont ajustés à la saison afin de laisser une épaisseur adaptée aux températures : plus épais à la fin de l'hiver, plus ras le plein été venu.
- pas besoin de donner des analgésiques aux animaux pour le lamb docking avec l'utilisation d'anneaux qui font le même office en engourdissant la queue, pour endormir la douleur,
- pour ce qui est de l'agnelage en hiver, il dépend moins des éleveurs que du cycle de reproduction des brebis qui démarre naturellement en mars avec pour corollaire des premières mises bas en août (hiver),

La Nouvelle-Zélande c'est aujourd'hui 27 millions* de moutons. Sur ce total, 26 millions sont de races croisées tondues plus pour le confort des animaux que pour la laine dont les revenus couvrent à peine les frais de tonte. À l'heure actuelle, l'aspect économique dominant de cet élevage ce n'est plus la laine mais la viande et la raison pour laquelle le nombre de bêtes s'est considérablement réduit au cours des dernières décennies si on le rapporte aux plus de 60 millions de bêtes de la "grande époque". Le mouton s'est fait dépasser par les bovins et l'industrie laitière mais s'il fait moins recette, il reste un symbole auquel sont attachés les néo-zélandais. C'est un peu dans leurs gènes comme le montrent les réactions du grand public qui laissent penser que la campagne américaine de boycott de la laine ne trouvera pas de véritable écho chez eux .
Il me vient alors en tête un autre slogan qui aurait sans doute ici plus de succès : "touche pas à mon mouton" !

*Notes :
- Si on y regarde bien et c'est tout de même un peu ironique : les moutons de l'affiche PETA avec Joaquin Phoenix sont bien nets et proprets, un si joli manteau n'est sûrement pas une "toison laissée libre" parce que si l'homme n'y met pas sa patte - et on le voit bien dans les champs à la fin de l'hiver - ça peut devenir plutôt lourd et encombrant pour la bête ...
- Pour mémoire, le nombre de 27 millions de moutons est à rapprocher de celui de la population néo-zélandaise estimée à 4,5 millions environ, soit désormais une moyenne de 6 moutons par habitant alors que le record avait été établi en 1982, avec 72 millions de moutons et un ratio de 22 moutons/hab.

Source : The Weekly Times - The ratio of person to sheep in NZ has dropped - 21/08/2014  
Plus d'infos :
(Re-)écouter :
- Newstalk ZB Chris Lynch "Farmers rely on their animals for income so to suggest they are mistreating them is nonsense"- 28/09/2017    ICI
- Newstalk ZB Christ Lynch "SAFE backing PETA over wool boycott" - 28/09/2017 ICI
- sur Radio New Zealand "Sheep farmers up against PETA on wool clothing" - 28/09/2017  ICI
SAFE (Save Animals From Exploitation) New Zealand  ICI
PETA (People for the Ethical Treatment of Animals)    ICI
NZ Wool - Promotion de la laine NZ   ICI
NZ Sheepbreeders association  ICI

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