Objectif du jour : l'exposition Being Chinese in Aotearoa: a photographic Journey, un bon complément au festival des lanternes qui s'est tenu la semaine dernière.
Quelques difficultés pour se garer à l'extérieur et une effervescence de ruche à l'intérieur indiquent que je ne suis pas la seule à avoir eu cette idée de génie, le musée est un refuge ! Heureusement, il est grand et les groupes de touristes ou d'écoliers se dispersent vers les grandes salles des collections alors que moi, ce qui m'intéresse ce sont les deux salles de la galerie Sainsbury Horrocks au deuxième étage.
Une exposition qui peut paraitre modeste dans l'enceinte monumentale de ce musée mais qui n'en est pas moins majeure parce qu'au travers d'une centaine de photographies sélectionnées sous la houlette de la curatrice Phoebe H. Li - une sociologue néo-zélandaise qui étudie cette communauté depuis 2002 - est présenté pour la première fois en Nouvelle-Zélande un panorama historique de l'immigration chinoise sur une période de 175 ans et la façon discrète dont cette communauté a su s'intégrer pour contribuer à la vie locale sous tous ses aspects.
Un parti pris sciemment positif et constructif qui montre la persévérance de toute une communauté plus que l'amertume face à un ostracisme qui était pourtant la norme pendant très longtemps (1).
Non sans ironie, cette exposition est née à la suite d'un colloque auquel participait Phoebe H. Li en Chine, au cours duquel les participants furent étonnés de découvrir l'existance de néo-zélandais d'origine chinoise, implantés de longue date. C'est pour répondre aux questions alors suscitées en Chine que l'idée d'une exposition de photographies a pris forme, s'est affinée pour aboutir à l'Overseas Chinese History Museum of China de Beijing où elle a été inaugurée en octobre 2016.
Un timing parfait pour le musée d'Auckland qui cherchait à organiser un événement au moment du festival des lanternes . Cette exposition est un coup de projecteur sur un pan complet d'histoire jusqu'alors relativement inexploré et méconnu qui illustre un modèle d'intégration exemplaire dans un contexte d'immigration forte (2).
Des lieux emblématiques ... |
Les photographies sont organisées par panneaux pour illustrer des moments ou des activités marquantes dans le temps : le premier immigrant chinois officiel en Nouvelle-Zélande, la première chinoise, la ruée vers l'or (New Gold Mountain au milieu/fin du 19ème, après celle des États-Unis et beaucoup de similitudes), les commerçants à Dunedin dans l'Otaga et ailleurs, les "cultivateurs", les entrepreneurs, les commerçants, les soldats de la première puis de la deuxième guerre mondiale, les mariages mixtes et le métissage, etc.
Toutes ces images ont fait l'objet d'un travail de sélection titanesque en collaboration avec John B Turner, historien de la photographie : il a fallu éditer et choisir parmi plus de 10'000 photos venant de 16 institutions publiques et de collections privées pour n'en retenir qu'une centaine qui soient à la fois parlantes historiquement mais aussi intéressantes esthétiquement.
S'y est également ajouté un travail de restauration qu'on devine dans l'exposition avec la photo d'une mère et de son enfant, avec sur une même planche un cliché en l'état d'origine associé à la version restaurée.
Si quelques personnages sont identifiés et documentés beaucoup d'autres sont des figurants anomymes. On découvre au passage quelques lieux emblématiques ou des paysages aujourd'hui disparus comme les jardins de Newmarket d'Auckland complètement urbanisés aujourd'hui.
Auckland Memorial Museum Exhition - Photo de famille en couleur - Cultivateurs en Nouvelle-Zéalnde |
Des explications et anecdotes intéressantes et/ou amusantes et/ou émouvantes enrichissent ce panorama et ces parcours. Les premiers migrants par exemple, surtout des hommes, n'étaient pas là pour rester mais pour faire fortune avant de rentrer en Chine. On peut s'émouvoir de l'histoire du naufrage d'un navire au large de Dunedin qui ramenait des dépouilles pour qu'elles soient enterrées en Chine selon les usages et des cérémomies qui ont été organisées plus tard, avec des maoris, pour la paix des âmes après que l'épave aie été retrouvée il y a quelques années. Ou encore, au moment de la première guerre mondiale, quelques clichés évoquent les 55 soldats d'origine chinoise qui se sont engagés, un chiffre à la fois faible et important pour une communauté constituée alors essentiellement d'hommes trop âgés pour être soldats.
Du côté des personnage identifiés, Appo Hocton (Huang Heting), le premier migrant "officiellement" enregistré sur les registres néo-zélandais dont pas moins de 1'600 néo-zélandais revendiquent aujourd'hui l'ascendance. Hommes d'affaires ou entrepreneurs, certains ont bati des empires ou laissé leurs marques comme Chew Chong qui le premier utilisa les nouvelles techniques de réfrigération pour exporter la crème, considéré comme le père fondateur de l'industrie laitière néo-zélandaise. Un autre, ouvrit le tout premier supermarché du pays, un événement en son temps.
Quelques photos plus actuelles montrent que cette communauté excelle et s'intègre dans l'ensemble du tissu socio-économique et qu'elle a su se libérer des stéréotypes dans lesquels on l'avait obligée à se cantonner pendant longtemps, que ce soit du fait des préjugés extérieurs ou des obligations culturelles intrinsèques et propres à la communauté.
Une communauté active à Auckland - En bandes dessinées - Ant Song & Helene Wong |
À ces très belles photos s'ajoutent
- quelques objets,
- un petit film sur un couple de cultivateur irrésistible et atendrissant qui, grâce à une espèce résistante qu'ils ont gracieusement partagée, a sauvé les cultures de patates douces du pays un temps menacées,
- des témoignages aussi,
- ainsi que des panneaux de bandes dessinées créés pour l'occasion, qui permettent une promenade à Auckland avec un jeune chinois accompagné de sa grand-mère sur les traces de personnages illustrants de multiples talents et facettes.
Une visite à faire, intéressante aussi bien pour l'aspect historique, reflet des époques, que pour le choix de photos, variées et très belles.
Il est d'ailleurs dommage qu'il n'y ai pas de catalogue de l'exposition (sans doute trop coûteux / un sujet à creuser, l'édition semble chère en Nouvelle-Zélande) c'est mieux pour le porte-feuille même s'il y a toujours l'option d'acheter à la boutique du musée quelques reproductions sous forme de cartes postales ou alors le petit livret reprenant l'ensemble des planches de BD exposées.
Nota :
(1) Comme le Canada, l'Australie ou les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande avait adopté dès 1881 des lois restrictives et discriminatoires contre l'immigration chinoise. Ce n'est qu'à l'issu de la deuxième guerre mondiale que cesse vraiment l'ostracisme anti-chinois pour lequel le premier ministre néo-zélandais, Helen Clarck à l'époque, s'est officiellement excusé en 2002.
(2) Sur les 170'000 personnes d'origine chinoise recensées aujourd'hui dans le pays, seul un quart est né sur le sol national. Une immigration récente à la sociologie différente de celle du passé présentée dans l'exposition avec une population plus féminine et plus éduquée aujourd'hui.
Infos pratiques :
Exposition Being Chinese in Aotearoa : a photographic Journey
Auckland War Memorial Museum
Sainsbury Horrocks Gallery / 2ème étage
Du 10 février 2017 au 10 février 2018
Ouvert tous les jours de 10h à 17h
Gratuit avec l'entrée du musée
Présentation de l'exposition par le musée ICI
Sources et plus d'infos :
The Chinese who made NZ home - Photos et Interview radio de Dr. Phoebe H. Li - RNZ 31/01/2017 ICI
Innovative market gardeners feature in exhibition showing hidden history of NZ Chinese - NZ Herald 28/01/2017 ICI
Portraits of perseverance - China Daily 25/10/2016 ICI
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