L'histoire de cette législation est intéressante non seulement pour en comprendre les fondements mais parce qu'elle nous touche nous aussi français et qu'elle participe plus largement au sentiment national propre aux "kiwis".
Pour la Nouvelle-Zélande, le rapport au nucléaire commence après la deuxième guerre mondiale avec l'accord ANZUS (Australia New Zealand United States Security Treaty) signé en 1951, alliance avec les Etats-Unis qui remplace alors la puissance tutélaire traditionnelle (l'Angleterre) pour ce qui touche aux questions de sécurité dans le Pacifique. De fait, par cet accord, la Nouvelle-Zélande accepte le parapluie nucléaire américain.
Avec les années 1960 et la multiplication des tests nucléaires dans le Pacifique, les consciences s'éveillent et des mouvements de protestations commencent à se manifester en Nouvelle-Zélande. Leur maturation se crystalise finalement dans les années 1970-1980 autour de deux points majeurs de constestation :
1 - Une opposition aux tests effectués par les français à Mururoa.
2 - Un rejet des visites des bateaux de guerre américains à propulsion et/ou armement nucléaire en Nouvelle-Zélande.
Badge militant : "Si c'est sûr - Testez à Paris - Jetez à Tokyo et laissez notre Pacifique sans nucléaire" |
Pour ce qui est de la question de Mururoa et des tests nucléaires, il faut rappeler qu'ils étaient monnaie courante avec des exercices à ciel ouvert effectués dans le Nevada aux Etats-Unis, en Australie et dans le Pacifique après la seconde guerre mondiale.
Ils ont toutefois été interdits dès 1963 par un traité signé par plusieurs pays dont les Etats-Unis, le Royaume-Unis et l'Union Soviétique alors que la France qui voulait garder son indépendance nucléaire n'en était pas signataire si bien que la Nouvelle-Zélande en vint à manifester de plus en plus contre les essais effectués en Polynésie française.
Dans l'escalade, Greenpeace se rend à Mururoa en 1972 puis la Nouvelle-Zélande et l'Australie portent plainte auprès du tribunal de justice international contre la France à qui la cours intime l'arrêt de ses essais nucléaires. La France ne s'y soumet pas et la Nouvelle-Zélande envoie des frégates avec ministre à bord pour témoigner de la mauvaise volonté française. Finalement, avec l'élection de Valery Giscard d'Estaing en 1974, la France passe aux essais souterrains mais Mururoa continue de focaliser la colère néo-zélandaise.
S'y ajoute dix ans plus tard un événements décisif, le 10 juillet 1985, ce que les français appellent "l'incident" du Rainbow Warrior alors que certains néo-zélandais n'hésitent pas à présenter aujourd'hui comme "le seul acte terroriste" jamais perpétré sur son territoire.
Affiche militante de 1983 - Les zones interdites aux armes nucléaire en Nouvelle-Zélande |
Dans le même temps, les navires de guerre américains deviennent eux aussi un sujet majeur pour l'opinion publique néo-zélandaise. En effet, dans le cadre de l'ANZUS, des navires américains mouillent régulièrement en Nouvelle-Zélande (1976, 1978 ou 1979) mais le flou savamment entretenu sur leur propulsion ou leur armement, nucléaire ou pas, afin de maintenir le politiquement correct à chacune de leurs visites n'est plus possible en 1983 pour l'arrivée de la frégate USS Texas parce que cela devient un sujet central de la campagne électorale avec à la clé, le vote de 1984.
En cinq ans entre 1978 et 1985, l'opinion publique a basculé de 38% à 72% contre le nucléaire et dans la balance au bout du monde, la menace sovétique pèse bien moins que la peur de l'atome. Alors quand les travaillistes gagnent l'élection de 1984 en ayant fait une campagne anti-nucléaire retentissante, que plus d'une quarantaine de villes de Nouvelle-Zélande se sont déjà déclarées "nuclear free" et que l'histoire du Rainbow Warrior fait déborder le vase, le gouvernement fait passer sa loi du 8 juin 1987 pour faire de la Nouvelle-Zélande toute entière un pays "nuclear free".
"Je n'aurais jamais pensé qu'ils nous laisseraient vraiment tomber ... c'est aussi simple que ça" |
Les pressions américaines sont sans succès et ils ont beau déclarer en représailles que la Nouvelle-Zélande est rétrogadée de "pays allié" à simple "pays ami", les kiwis assument leur décision et préfèrent se retrouver isolés en coupant leur lien de défense pour garder leur indépendance et leur loi de 1987.
Un principe que la Nouvelle-Zélande défend toujours sur la scène internationale en participant aux actions pour faire de la planète un monde sans nucléaire et un anniversaire qui concorde presque, pour ses trente ans, avec la conférence des Nations Unies pour négocier l'interdiction des armes atomiques, à New York dans une semaine.
Et cette loi est un exemple de l'esprit kiwi avant-gardiste, militant, tenace et un peu idéaliste.
Annonce d'un rassemblement au musée mémorial d'Auckland pour l'anniversaire des 30 ans de la loi "sans nucléaire" |
Nota :
Pour la petite histoire et son ironie : un physicien chimiste néo-zélandais né dans la région de Nelson dans l'île du Sud, Ernest Rutheford (1871-1937) est considéré comme le père de la physique nucléaire. Prix nobel de chimie 1908, il découvrit les rayonnement alpha et bêta, la désintégration des éléments chimiques dûe à la radioactivité, l'existence du noyau atomique et c'est lui qui réussit la toute première transmutation artificielle.
Sources et plus d'infos :
Nuclear Free New Zealand - NZ History ICI et ICI
History of the anti-nuclear movement in New Zealand - Greenpeace ICI
Nuclear Weapons Free Zones Campaign - 30 years ICI
Peace and symbolism : Nuclear-free New Zealand, 30 years on - Blog Te Papa Museum ICI
New Zealand 30 years officially nuclear-free - Newshub 8/6/2017 ICI
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