À 190 kilomètres et environ 2h30 de route au sud d'Auckland, les grottes de Waitomo ont marqué la première étape de notre périple de trois semaines sur les routes de Nouvelle-Zélande et tant qu'à s'y arrêter, nous avons choisi "la totale"* avec la visite des trois grottes (Glowworms - Ruakuri et Aranui) dans lesquelles nous nous sommes engouffrés pendant une bonne demi-journée.
Grottes de Waitomo - D'abord passer à la caisse au centre d'accueil ... ©DM |
Ces grottes "humides" de Waitomo appartiennent à un dédale de dizaines de kilomètres de galeries creusées par l'eau de pluie et des rivières se frayant un passage dans les couches de calcaire ayant jusqu'à 100 mètres d'épaisseur. Cette région est un vrai Gruyère et le nom maori composé de wai (l'eau) et de tomo (trou / puits / tunnel) qu'on pourrait traduire par "de l'eau passant par un trou" en est un bon qualificatif.
Panneau explicatif du Aranui Bush Walk - Waitomo, un Gruyère ! ©SM |
Avec une fréquentation annuelle d'environ un demi-million de visiteurs, les grottes de Waitomo sont "les grottes les plus visitées de l'hémisphère Sud". Elles doivent leur popularité à Waitomo Glowworm Cave ("grotte des vers luisants"), la plus célèbre et la plus fréquentée des trois grottes pour sa voute étoilée spectaculaire, présentée depuis sa découverte comme une des "merveilles du monde".
Pour la petite histoire, la cavité par la rivière était connue des Maoris mais sa première exploration, par un anglais et un chef maori local ne remonte qu'à 1887. Ils y pénétrèrent avec une embarcation, éclairés à la bougie par ce qui constitue aujourd'hui la sortie de la visite. Ils furent d'abord émerveillés en découvrant la voute scintillante, comme un ciel sans lune illuminé de milliers d'étoiles. Ils revinrent ensuite à de multiples reprises pour explorer les galeries attenantes tout aussi fascinantes, s'étageant sur trois niveaux et c'est le chef maori qui découvrit seul le niveau supérieur ainsi que l'entrée utilisée de nos jours.
Posters promotionnels de Waitomo, plusieurs époques. |
Dès 1889, le chef et sa femme ouvrirent la grotte aux visiteurs et y guidèrent les premiers groupes contre une petite contribution mais après 1906, sous prétexte de la protéger contre un vandalisme grandissant, l'administration fut reprise par le gouvernement qui investit dans la première structure hotelière de Waitomo ...
... en 1989, les terres et les grottes ont finalement été rendues aux descendants du chef. Désormais, ses héritiers perçoivent un pourcentage des revenus, ils sont impliqués dans la gestion et le développement touristique et composent une bonne partie du personnel employé sur le site.
Pour la visite, il est recommandé de réserver à l'avance et le conseil n'est pas inutile car c'est l'un des rares endroits de Nouvelle-Zélande où nous avons vu des touristes débarquer en masse, par bus entiers (la bonne nouvelle c'est qu'à Waitomo, ils ne visitent souvent que cette seule grotte).
Les tickets sont associés à une heure de visite donnée et il faut se présenter à l'entrée un quart d'heure avant pour rejoindre le guide qui accompagne le groupe, plutôt important dans notre cas.
Waitomo / Formations de Ruakuri ©SM |
La visite guidée passe par les trois niveaux de salles, en commençant par le haut et les catacombes (des sépultures de notables maoris ont été retrouvées dans plusieurs grottes de la région). Les différents niveaux sont reliés par le tomo qui les relie, un tunnel de 16 mètres de hauteur.
Le niveau intermédiaire est appelé "la salle du banquet" parce que c'est l'endroit où les premiers visiteurs s'arrêtaient pour une collation. De là, on fait un crochet par la salle des orgues, lorsque c'est possible, car rançon du succès oblige et pour l'anecdote, les taux de CO2 mesurés sont parfois trop importants et nécessitent une fermeture temporaire de la salle ou de la grotte pour laisser le temps à l'air de se renouveler, une occurence qui s'est produite à cinq reprises au moins cet été !
Au niveau le plus bas, on passe dans "la cathédrale", une immense salle sous un plafond de 18 mètres, avec une belle accoustique, régulièrement utilisée pour des concerts et où certains guides et visiteurs ne manquent pas d'essayer leurs voix. Au fond, une plateforme permet de voir la rivière en ayant une première approche des vers luisants (qui n'en sont pas). On rejoint finalement l'embarcadère et les barques permettant de passer par le clou de la visite : la grande voute illuminée dans le noir de millions de points lumineux vivants, magique !
Pour ce qui est des "glowworms" qu'on traduit par "vers luisants" en français, il s'agit en réalité de larves d'une sorte de mouche et le terme d'"asticots" ("maggots" en anglais) serait plus approprié.
Le cycle de cette mouche des cavernes humides est maintenant bien connu mais il est inutile de casser la magie en changeant des mots qui font rêver pour les remplacer par d'autres à portée moins heureuse... d''autant moins que si l'on en croit l'un de nos guides qui ne manquait pas d'humour, ce phénomène de bioluminescent n'est finalement rien d'autre que de la "crotte d'asticots", un résumé tout de même pas très vendeur sur les brochures touristiques !
Waitomo / Ruakuri - Fils des glowworms ©DM |
En gros et sans rentrer dans le détail, le cycle commence par un oeuf qui donne naissance à une larve qui se chrystalise avant de se métamorphoser en mouche. Les adultes ont alors quelques jours pour s'accoupler et pondre des centaines d'oeufs qui lancent un nouveau cycle, avant de mourrir ...
La forme larvaire est l'étape la plus longue, d'une durée variable de 6 à 12 mois qui dépend de la nourriture disponible. Ce sont ces multitudes de larves qui, accrochées au plafond dans leur nid pendant des mois, laissent filer des dizaines de fils de soie terminés par un goutte de mucus formant des filets dans lesquels elles attirent et capturent leurs proies (moustiques, mites, mille-pattes, escargots, etc.). Grace aux signaux lumineux qu'elles émettent, elles dupent leurs victimes qui croient sans doute être à l'extérieur, sous le ciel étoilé. La lumière est le résultat d'une réaction chimique produite dans les organes excrétaires de l'abdomen (des crottes quoi !) sachant que les larves les plus affamées brillent plus que celles qui sont rassasiées ... et si la nourriture vient à manquer ou que la colonie est surpeuplée, elle se régule par canabalisme.
Peu de prédateurs menacent ces insectes endémiques de Nouvelle-Zélande si ce n'est l'homme qui vient interférer avec leur habitat naturel. Les larves sont sensibles à la lumière ou si l'on touche à leurs fils si bien que les photos sont strictement encadrées pendant la visite et interdites dans la grotte étoilée.
Pour les photos, on peut se rattraper dans les deux autres grottes, Ruakuri et Aranui, que l'on visite là encore accompagnés d'un guide et à une heure donnée.
Ruakuri est situé à 2 kilomètres environ de Glowworms Cave.
On accède à l'intérieur par une rampe circulaire construite pour rejoindre la grotte à la base d'un puits profond, creusé à distance suffisante de l'entrée naturelle inaccessible aux visiteurs parce que sacrée pour les Maoris qui y enterraient leurs morts. Avec 1,6 kilomètres de galeries qui demandent environ 1h30 d'explorations, c'est le parcours le plus long de Waitomo. On y découvre toutes sortes de formations, stalactites, stalacmites, colonnes, drapés, "popcorn" (formations particulières dont le nom se rapporte à son aspect !), une rivière, une chute d'eau souterraine avec bien sûr des glowworms que l'on peut observer d'un peu plus près. C'est tout simplement magnifique et la visite guidée ne manque pas d'intérêt puisqu'elle est émaillée de son lot d'anecdotes :
Grotte de Ruakuri - ©DM |
Le nom de la grotte d'abord. Selon la tradition, cette grotte était connue des Maoris depuis au moins 400 ou 500 ans mais le nom de Ruakuri est beaucoup plus récent; il signifie la "tanière des chiens" par référence à des chiens sauvages qui s'y étaient installés, découverts par un chasseur lors d'une de ses expéditions.
Son fantôme ensuite. Pendant les travaux de construction de la rampe, des ouvriers auraient ressenti "une présence" qui laisserait penser que les galeries sont hantées, habitées par un fantôme dont la présence est expliquée par les plus cartésiens comme un phénomène naturel lié à l'eau qui circule dans les galeries ...
Son bras de fer enfin... Les galeries "Holden" ont été découvertes et explorées par la famille propriétaire du terrain en surface. Elle en a ensuite assuré l'exploitation touristique de 1904 à 1988 en complément de ses revenus agricoles. Un long conflit légal et financier a commencé quand le gouvernement a voulu s'en méler et reprendre les rennes. Le propriétaire a alors préféré interdire l'accès aux grottes, qui sont restées fermées au public pendant 18 ans, plutôt que de céder quelque droit que ce soit au gouvernement.
Le propriétaire a finalement obtenu gain de cause, validé dans ses droits par le tribunal qui a confirmé qu'en Nouvelle-Zélande, la possession d'un terrain couvre aussi celle de son sous-sol. La grotte a été rouverte au public en 2005.
Quant à Aranui, elle est située tout à côté de Ruakuri et nous avons eu le temps d'effectuer une petite marche dans la réserve forestière qui la jouxte, une très jolie boucle d'une demi-heure environ qui part du parking et permet de découvrir combien le terrain est accidenté et sculpté par l'eau, tout en montées et en descentes, avec rivières et grottes.
Grotte d'Aranui ©DM |
Nous n'avons vraiment pas été déçus par la visite d'Aranui, d'autant moins que, cerise sur le gateau, c'était la dernière visite de la journée, avec tout juste 4 ou 5 personnes, accompagnée d'un guide sympa pas pressé par le temps si bien qu'il nous a permis d'en profiter autant que nous voulions.
La grotte n'est pas très grande. Elle porte le nom de celui qui l'a découverte en 1910, un Maori appelé Ruruku Aranui. Pas d'eau, pas de glowworms à Aranui mais quelques wetas à l'entrée, des insectes endémiques affreux et puis surtout ... une salle pleine de stalactites et de formations délicates qui sont de pures perveilles. Aranui est un petit bijou à ne pas rater, qui clotûre magnifiquement cette journée de vacances.
Nota :
* L'entrée pour la visite d'une seule grotte n'est pas particulièrement bon marché, du coup les tickets combinés ne sont pas une mauvaise affaire, d'autant que chaque grotte est différente avec ses particularités. Beaucoup de visiteurs se contentent de celle des glowworms alors que les autres sont au moins aussi intéressantes et d'autant plus appréciées et appréciables que les visiteurs y sont moins nombreux.
Il existe d'autres formules avec notamment un circuit "black water rafting" pour les plus aventureux (descente sur les rivières souterraines en flottant sur des chambres à air, combinaisons fournies).
Plus d'infos :
Site de Waitomo ICI
Waitomo Caves shut "five times" due to high CO2 - Radio NZ 25-01-2017 ICI
New Zealand glowworms - Te Ara ICI
Arachnocampa luminosa - wikipédia ICI
"Haunted" cave opens again to sightseers - NZ Herald 21/07/2005 ICI
Trois semaines sur les routes de Nouvelle-Zélande - Jour 1 (18/03/2017)
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